L'année 2025 s'est achevée dans une ambiance pleine de poésie et de chaleur pour les participants à cette dernière séance de l''année.
Sabine nous avait concocté un programme musical original et très varié, enrichi par un magnifique poème dont vous retrouverez l'intégralité un peu plus bas. Pratiquer dans une atmosphère aussi inspirante était un vrai bonheur !!!
La séance s'est achevée avec le traditionnel pot de fin d'année, dont les maîtres mots étaient comme toujours convivialité et générosité. Vous trouverez, sur la page GALERIE de "l'Espace Adhérents", les photos prises par Mai pour immortaliser ce moment, ainsi qu'un petit montage vidéo.
Joyeuses Fêtes et nos Meilleurs Vœux à toutes et tous pour l'année qui commence bientôt !!!!
« Quand le vent effleure doucement le coeur »
— Réflexions sur la pratique du Taiji
Avant que la lumière du matin ne se déploie,
la mer, elle, s’est déjà éveillée.
Au loin, le ressac murmure —
comme une mémoire ancienne remontant du fond de la terre.
Le vent glisse doucement dans l’air,
si doux qu’on l’entend à peine,
mais capable de frôler l’âme comme une caresse du bout des doigts.
Dans un tel silence,
je me tiens comme au bord de la mer
et commence ma pratique quotidienne de Taiji.
Ce n’est ni pour fortifier le corps,
ni pour poursuivre une quelconque prouesse technique.
La raison est plus profonde :
retrouver quelque chose que les remous du monde
semblent toujours vouloir effacer —
la paix intérieure.
Le Taiji exige de la lenteur.
Une lenteur telle que chaque mouvement
semble émerger du plus profond du cœur ;
une lenteur où la distance entre la respiration et le ciel
devient visible, audible ;
une lenteur enfin
qui permet d’entendre le silence en soi.
Le geste initial naît sans bruit —
comme un premier rayon traversant les nuages,
comme la première ondulation qui soulève la mer.
Plus le mouvement est lent,
plus il semble naître du vide même.
Plus tu ralentis,
plus le monde devient silencieux.
Et plus le monde se tait,
plus tu peux te voir clairement.
Si le cœur est agité, la main tremble ;
si l’intention se disperse, le pas se désordonne.
Le Taiji ne te reproche rien :
il t’apprend simplement,
avec la plus grande douceur,
que le corps ne ment jamais.
En me laissant glisser plus profondément dans la pratique,
mon cœur se calme peu à peu.
Les épaules se relâchent,
la poitrine s’assouplit,
la colonne devient comme un fleuve tiède
qui ne cherche ni à se hâter
ni à s’arrêter.
La respiration imite la marée :
inspirer, c’est l’eau qui monte discrètement sur le rivage ;
expirer, c’est l’eau qui retourne lentement vers le large.
C’est alors que naît l’harmonie du corps.
Une harmonie qui n’est pas imposée,
qui ne résulte pas d’une posture « parfaite »,
mais d’un ordre naturel retrouvé
lorsque l’esprit devient paisible —
comme une vallée longtemps aride
qui sait instinctivement comment reverdir
lorsqu’arrive la première pluie fine.
Quand le cœur est calme, le geste devient naturel ;
quand le cœur est stable, la posture trouve sa liberté.
Le Taiji n’est pas un sport :
c’est un dialogue.
Un dialogue de l’homme avec lui-même,
avec son souffle,
avec la terre.
Avec le temps, tu comprends que
tu ne tiens pas debout grâce à tes muscles,
mais grâce à quelque chose de plus profond :
c’est la terre qui te porte,
le ciel qui te soulève,
le vent qui t’avertit,
et le qi qui circule en toi
comme une rivière retournant vers sa source.
Parfois je pratique les yeux fermés.
Les fermer ne fait pas disparaître le monde :
il s’ouvre autrement.
La direction du vent devient claire,
la température de la lumière se distingue,
et le bruit des vagues
dessine une ligne invisible
qui relie mon corps à l’horizon lointain.
Dans les mouvements,
j’entre alors dans une paix plus vaste —
une paix qui n’est pas créée par l’esprit,
mais qui appartient à la nature même du ciel et de la terre.
Quand le cœur s’y dépose vraiment,
tu sens que tu entres en conversation avec toutes choses.
Ta main glisse dans l’air
comme si elle touchait l’ossature du vent ;
ton pied frôle le sol
comme s’il percevait le pouls de la montagne ;
ta respiration traverse ta poitrine
comme si elle échangeait un poème silencieux avec les nuages.
À ce moment-là,
tu n’es plus un être isolé.
Tu es une part du vent,
une part de la marée,
une part de la lumière.
Et tu comprends soudain :
toutes tes émotions,
ta fatigue,
tes doutes —
le monde les connaît déjà.
Lorsque tu deviens assez silencieux,
tout te répond.
La montagne répond par la stabilité.
Le fleuve répond par la fluidité.
Les nuages répondent par la liberté.
Les étoiles répondent par la constance.
Le soleil répond par une clarté persévérante.
La lune répond par un courage doux.
La mer répond par une respiration sans fin.
Et le vent te répond :
« Tu finiras par retrouver ton propre rythme. »
À force de pratiquer,
l’être devient semblable à l’eau.
L’eau ne lutte pas,
mais rien ne lui résiste.
Elle est douce,
mais soutient les mondes.
Elle suit les lignes du terrain,
mais traverse les montagnes.
Elle demeure silencieuse,
mais porte en elle des milliers de renaissances.
Quand tu deviens comme l’eau, le corps s’accorde ;
quand tu deviens comme le vent, le mouvement s’allège ;
quand tu deviens comme la terre, les pas s’ancrent ;
quand tu deviens comme la lumière, l’esprit s’apaise.
Toutes les choses de l’univers te murmurent la même vérité :
seule la tranquillité révèle ce qui est réel ;
seule l’harmonie permet d’entendre la voix du cosmos.
À la fin de la pratique,
je reviens simplement à la posture debout.
Le vent venant de la mer
achève pour moi la dernière respiration.
La lumière, filtrant entre les nuages,
m’enveloppe doucement.
Corps et esprit n’ont plus de frontière :
il ne reste qu’une clarté tiède, silencieuse,
et profondément sereine.
Je sais que la pratique ne me donnera pas
les réponses du monde.
Elle me donne quelque chose de plus précieux :
la force, le courage et la sagesse
pour écouter ce que le monde veut dire.
Entre le vent, la mer, les montagnes,
les étoiles et les nuages,
l’homme est minuscule —
et pourtant, complet.
Je reste là, sans hâte,
gardant mon propre rythme
comme la marée garde le sien.
C’est cela, le Taiji.
C’est cela, la paix.
C’est cela,
la plus ancienne et la plus douce harmonie
entre l’homme et le ciel.
Dr. JIAN
Le 25 novembre 2025































